La justice européenne ouvre une brèche dans le «bail-in» bancaire

La Commission cherche à limiter l’impact de la décision du Tribunal de l’UE qui fragilise la doctrine développée par Bruxelles sur les renflouements bancaires. Alors même qu’elle annonçait hier une nouvelle amende contre Google, Margrethe Vestager, la commissaire européenne à la Concurrence, a dû s’expliquer sur la décision du Tribunal de l’Union européenne annoncée la veille. La justice européenne a en effet annulé une décision de la Commission de 2015 qualifiant d’aide d’Etat un renflouement bancaire facilité par le fonds italien de garantie des dépôts (FITD). «Il est évident que nous allons devoir nous pencher dessus d’une manière ou d’une autre car c’est une décision de justice qui aura des effets sur notre manière de travailler et sur la manière dont le monde fonctionne », a-t-elle déclaré, tout en indiquant que la Commission n’avait pas encore décidé de faire appel auprès de la Cour de Justice de l’Union européenne.

La qualification d’aide d’Etat retoquée

Pour retenir une qualification d’aide d’Etat, deux conditions cumulatives sont à respecter, a souligné le tribunal dans sa décision. Une telle aide doit être «imputable » à l’Etat et utiliser des «ressources d’Etat », explique-t-il. Or, le FITD étant un consortium de nature mutualiste entre banques, dont les statuts prévoient la possibilité d’une intervention préventive, l’imputabilité de l’aide à l’Etat ne peut pas être présumée, et la Commission n’est pas parvenue à la démontrer. De plus, les fonds utilisés sont issus de contributions volontaires des banques, distinctes des contributions obligataires issues du mandat public de garantie des dépôts, et ne peuvent donc être assimilées à des ressources d’Etat, poursuit le tribunal. Le renflouement en question représentait seulement 300 millions d’euros, mais la décision du tribunal fragilise encore la doctrine développée par Bruxelles pour mettre un terme aux « bail-out » bancaires qui épargnent les investisseurs obligataires. L’Association bancaire italienne a ainsi critiqué l’impact de la décision originale de la Commission sur les sauvetages bancaires suivants, appelant la Commission à rembourser les détenteurs d’obligations et les épargnants qui ont pu être floués. Le ministre italien des Affaires étrangères n’a pas exclu de porter l’affaire en justice, tandis que Roberto Gualtieri, qui préside la Commission des Affaires économiques et monétaires au Parlement européen, a salué une décision «historique» qui met à bas la position «idéologique et erronée » de la Commission.

Un nouvel obstacle à la garantie européenne des dépôts

Outre ses conséquences potentielles sur les renflouements actuellement à l’étude, de Carige en Italie à NordLB en Allemagne, la décision du tribunal pourrait ouvrir la voie à un contournement systématique des règles européennes. «La décision pourrait s’appliquer à l’ensemble du secteur bancaire puisque les décideurs politiques nationaux ont désormais une façon d’éviter le superviseur européen pour la concurrence et de créer un processus entièrement national pour gérer les faillites bancaires », explique Jerome Legras d’AxiomAI. «On peut s’attendre à ce que cette approche soit privilégiée dans quelques pays », ajoute-t-il. Une éventualité qui risque de peser sur les négociations déjà ardues sur un fonds européen de garantie des dépôts (Edis). Markus Ferber, l’homme de pointe du PPE sur les questions financières, a déjà indiqué qu’il serait nécessaire de «revisiter » le projet actuel d’Edis à la lumière de la décision du Tribunal.